Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Question sur les échecs de la politique migratoire

QUESTION

Le thème dont nous débattons, c’est-à-dire les échecs de la politique migratoire, peut être abordé sous divers angles. Pour ma part, je souhaite évoquer en particulier l’échec de notre politique d’accueil des milliers de migrants qui fuient leur pays en raison de la guerre, de la pauvreté ou de difficultés sociales et économiques.

Lundi 27 février, une embarcation sur laquelle se trouvaient entre 120 et 200 personnes a fait naufrage près des côtes italiennes, entraînant la mort de soixante-quatre migrants, dont douze enfants. La Méditerranée se transforme peu à peu en cimetière, dans un silence assourdissant. En dépit de cela, l’agence européenne Frontex n’assure aucun sauvetage en mer. Pire encore, l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), dans son dernier rapport, accuse Frontex – qui, rappelons-le, est l’agence européenne la mieux dotée financièrement – d’avoir été complice de refoulements en mer Égée, voire d’y avoir participé, ainsi que d’avoir ignoré des appels de bateaux en détresse.

Dès lors, le sauvetage en mer repose sur des associations bénévoles. Celles-ci sont accusées de faire le jeu des passeurs, alors qu’elles ne font qu’appliquer strictement le droit maritime international : une embarcation en détresse doit être secourue. Si nous avions l’ambition de travailler conjointement avec nos partenaires européens et extra-européens pour résoudre ce problème, sans doute en aurions-nous déjà fini avec les passeurs et serions-nous en mesure d’accueillir dignement des migrants chaque année. En France, aucun dispositif public ne vient en aide aux migrants en mer : la seule association dédiée, SOS Méditerranée, doit quémander des subventions privées. Occupées à sauver des vies, ces associations se heurtent au cynisme absolu des États européens et de l’agence Frontex qui, loin de les assister dans leur tâche, entravent la réalisation de leur mission en les contraignant à respecter des normes toujours plus ubuesques.

Après l’affaire de l’Ocean Viking, le ministre de l’intérieur a affirmé que le droit de la mer doit être strictement appliqué. Il s’agit ici de milliers de vies humaines.

Quand comptez-vous mettre en place des dispositifs de financement public du sauvetage en mer et donner à la France les moyens de mettre en œuvre une véritable politique d’accueil ?

Mme la présidente

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

Nous ne pouvons rester indifférents face au drame qui a touché l’Italie : le bilan du récent naufrage s’élève à soixante-quatre morts, dont plusieurs enfants, et risque de s’aggraver encore. Les premiers responsables de cette situation sont les passeurs criminels qui font embarquer des hommes, des femmes et des enfants dans des navires hors d’état, les poussant ainsi à la mort.

La pression migratoire en Méditerranée est particulièrement forte. En 2022, on dénombre 328 000 franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union européenne, avec une hausse de 51 % des flux en Méditerranée centrale à destination de l’Italie. Je tiens à rappeler que les ONG sont loin d’être les seules à intervenir pour secourir les personnes en détresse. En effet, cette mission est principalement assurée grâce à des moyens étatiques, avec le renfort de l’agence Frontex.

Fin novembre 2022, Frontex mobilisait ainsi 2 300 personnels, 65 moyens nautiques et 259 voitures de patrouille, répartis sur plusieurs terrains d’opération, la majeure partie des effectifs et des navires étant déployés en Grèce. L’agence mène actuellement en Méditerranée plusieurs opérations conjointes relatives à la gestion des flux migratoires : l’opération Indalo au sud de l’Espagne, l’opération Themis en Italie, l’opération Poséidon en Grèce, l’opération Ledra à Chypre et une opération au large des îles Canaries. S’y ajoutent des opérations terrestres et maritimes à la frontière entre les Balkans et la Turquie.

À la suite de l’arrivée de l’Ocean Viking, la France a demandé l’organisation d’une réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l’Union européenne, tenue le 28 novembre 2022. À cette occasion, les ministres ont adopté un plan d’action d’urgence proposé par la Commission européenne, avec plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord de mieux prévenir les départs irréguliers en créant les conditions adéquates pour que les pays de la rive sud de la Méditerranée désignent des ports sûrs, et en améliorant l’efficacité de la politique de l’Union européenne et de ses États membres en matière de retour. Il s’agit ensuite de mieux encadrer l’action des ONG en précisant les droits et les obligations qui s’appliquent à leurs navires effectuant des opérations de sauvetage, et en mettant en place un cadre de coopération entre États méditerranéens et ONG qui permettra davantage de coordination et d’anticipation. Ce plan insiste enfin sur l’importance de faire aboutir le Pacte sur la migration et l’asile, qui prévoit notamment la mise en œuvre de la procédure d’asile à la frontière.

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